Histoire du Chanvre en Chine : Une plante millénaire
À l'instar de nombreuses autres espèces, la plante de cannabis est étroitement liée à l'histoire de l'homme depuis des temps très lointains, que l'on estime à ce jour à près de 5 000 ans.
Histoire du Chanvre en Chine : Une plante millénaire
À l'instar de nombreuses autres espèces, la plante de cannabis est étroitement liée à l'histoire de l'homme depuis des temps très lointains, que l'on estime à ce jour à près de 5 000 ans. Aussi, c'est dans l'un des plus vieux pays du monde, la Chine, que l'on retrouve les premières véritables traces précises de son utilisation. Découvrons ensemble cette histoire longtemps oubliée et progressivement redécouverte par la science.

Le chanvre en Chine : premières traces de son utilisation
S'intéresser à l'histoire ancienne de l'utilisation du cannabis par l'homme oblige forcément à démarrer par la Chine où l'on retrouve les premiers indices de son utilisation par l'homme.
Tout commence sur l'île de Taïwan, où les archéologues ont percé à jour les premiers usages connus de la plante de chanvre. En effet, c'est dès l'an 10 000 avant J.C, que l'utilisation du chanvre y était abondante pour la fabrication des cordages. La découverte par l’homme que les brins torsadés offraient davantage de résistance qu’un brin individuel a laissé ses traces sur des poteries de cette même époque.
Depuis longtemps effacées, on retrouve néanmoins la trace de ces premiers usages à travers certaines découvertes récentes. En 1972, la découverte d'un cimetière datant de la dynastie des Chou (1122–249 B.C.) apporte de nouveaux indices sur les origines des usages de la plante.
« L’examen minutieux des habits démontra que ceux-ci étaient faits de chanvre, en faisant ainsi les plus vieux spécimens jamais découverts. Au-delà de son usage vestimentaire, les Chinois fabriquaient leurs chaussures à partir de fibres du chanvre, ce qui leur procurait souplesse et robustesse. »(1)
Pendant de nombreux millénaires, la culture et l'application du chanvre étaient telles que les Chinois eux-mêmes surnommèrent leur pays “la terre des mûres blanche et du chanvre”. En effet, si les mûres blanches étaient vénérées pour être l’aliment du ver à soie et pilier du luxe de l’époque, la majeure partie de la population dépendait quant à elle du chanvre bon marché. Ainsi les manuscrits de l’époque incitaient leur plantation en grande quantité.
On parvient désormais à dater les premières archives de l'usage du cannabis à partir de plusieurs écrits historiques en Chine, précisément vers 2737 ans avant notre ère. Cette date correspond à l'époque du règne d'un monarque illustre dans l'histoire de la Chine : l'empereur Shennong (-2820/-2798). Pour les historiens, cet empereur posa les premières pierres de la médecine chinoise contemporaine. Les Chinois lui attribuent par ailleurs de nombreuses inventions telles que le système de comptage à l'aide de nœuds et de cordes. On considère qu'il représente symboliquement différentes étapes à l'origine de la civilisation chinoise antique.
Cannabis et médecine : première reconnaissance dans la Chine impériale
En matière de médecine, Shennong fut donc l'un des premiers empereurs à enseigner la culture des plantes et acheva de répertorier un inventaire de plusieurs centaines de remèdes exclusivement d'origine végétale nommé Pen-ts'ao king ou Shen Nong Ben Cao Jing (soit Traité des herbes médicales). Or, bien que le texte original et ses archives aient été perdus au fil des âges, certains commentaires et des références directes sont parvenus à traverser les âges jusqu'à certains médecins, plus récemment vers le Ve siècle.
Si l'existence de cet ouvrage est encore discutée de nos jours, d'autres sources affirment cependant de l'ouvrage ancien couvrait des domaines d'application très vastes et recensait ainsi 365 drogues minérales, végétales et animales classées en plusieurs catégories : depuis les plus inoffensifs, contre la maladie par exemple jusqu'aux remèdes les plus efficaces et parfois toxiques. Dans ce traité de légende, on retrouve cependant les traces indéniables de la plante de cannabis et ses multiples usages et vertus thérapeutiques, notamment sur les fleurs et son calice.
Ainsi, c'est à travers ces connaissances anciennes que l'on arrive à dater l'introduction de la médecine par les plantes, les premières techniques de la pharmacopée et que l'on peut retracer les premières origines de la plante de cannabis à ces fins si spécifiques.
Si le cannabis occupe une place de choix dans cet ouvrage, notons qu'une distinction importante est déjà faite à cette époque entre le cannabis psychotrope et d'autres variétés à moindre effet. Même s'il était impossible pour les Chinois de connaître avec précision les détails entre les molécules, leurs qualités et leurs actions sur le corps étaient identifiées, probablement entre différentes espèces de chanvre tel que l'Indica ou la Sativa reconnue souvent comme à plus forte teneur de CBD actuelle.
Ainsi de plus en plus d'indices historiques confirment la théorie selon laquelle les Chinois étaient déjà très au courant des propriétés psychoactives et euphorisantes de la plante aussi appelée "Ma-fen” (littéralement le “fruit” du chanvre) et ce, depuis des temps très reculés. Nous savons aujourd'hui que les fleurs étaient consommées en excès, elle était connue pour procurer des hallucinations et faire voir des “démons”. A l'inverse, si ces fleurs de marijuana étaient administrées sur le long terme, elles permettaient de rentrer en contact avec les esprits des ancêtres afin “d'illuminer” l'âme de son consommateur.
À la lumière de nos connaissances contemporaines, il apparaît donc que le cannabis occupe une place importante dans la Chine impériale ancienne. En outre, il n’y pas un cannabis mais des cannabis et donc des effets différents entre ces espèces. Enfin, il est intéressant de préciser qu’il a été découvert que ce sont les plantes femelles qui concentre les cannabinoïdes
En se familiarisant avec la plante au fil des âges, ils découvrirent que le chanvre était dioïque (chaque pied est monosexué) et les premières distinctions s’opérèrent dans les cultures et dans la sémantique. En effet, le terme “hsi” désigne le mâle tandis que “chu” désigne la femelle. Alors que la plante mâle était reconnue pour ses qualités fibreuses, la femelle était convoitée pour ses meilleures graines. Le chanvre était donc à cette époque au centre de la production agricole, derrière la culture du riz et celle du millet, jusqu’aux environs du sixième siècle après JC.

L'usage du cannabis en Chine : des applications diverses
Selon les connaissances du Shen Nung Pen Ts'ao Ching, la plante de chanvre (“ma”) est ainsi prodiguée à l'époque pour lutter contre les pertes de mémoire, les rhumatismes, la constipation et les troubles de reproduction féminine , la malaria et d'une manière assez étrange, le béribéri. Ces usages déjà très larges sont ensuite perpétrés et renforcés par de nouvelles pratiques.
En effet, c'est bien plus tard, vers le début de notre ère (vers l'an 100-200) que l'illustre médecin empereur Kou-Kin-I-Tong, préconisa l'utilisation de la plante de cannabis comme anesthésiant.
Dans certaines archives, on retrouve plus précisément cette utilisation, en particulier de la fleur de chanvre, concoctée au sein de préparations magistrales (Ma-fei-san) à des fins d’anesthésiant préalables à des opérations pratiquées à cette époque (190-265), notamment par un chirurgien dénommé Hua T'O's
Ces traces historiques indiquent ainsi que l'usage médical du cannabis s'est accru dans le territoire Chinois, mais toutefois dans des proportions moindres qu'en Inde à la même époque. Malgré tout, il semble que les Chinois aient été plus entreprenants que leurs contemporains Indiens quant à l'utilisation générale de la totalité de la plante de cannabis, pas uniquement des graines.
En effet, si les graines étaient utilisées avant toute chose sur des pratiques et d'autres rites traditionnels; les Chinois utilisaient néanmoins d'autres composants tels que des huiles, les tiges, les racines, les feuilles et enfin des fleurs entières pour la fabrication de produits thérapeutiques.
Les graines (par exemple les Kernels des achènes) étaient considérées dans des recettes pour leur propriétés humidifiantes et étaient ainsi utilisées comme laxatif bien que leur utilisation contre les diarrhées pouvait être également prescrite. Les infusions à base de cannabis étaient également prodiguées pour relâcher les “flux” , soulager le corps et faciliter la circulation. Aussi, il semble que la consommation de cannabis était suggérée sur certaines affections du foie.
Enfin, on retrouve des traces d'un usage topique du cannabis : les Chinois l'utilisaient pour rendre la peau plus ferme, pour ses bienfaits anti-vieillissants et contre ce qui s'apparentaient à des formes de diabètes pour l'époque.
Une des utilisations courantes à l'époque consistait à faire bouillir des graines dans de l'eau bouillante afin d'obtenir une réduction de la masse totale jusqu'à obtenir une pâte. Cette pâte ainsi obtenue était ensuite transformée en pilules puis utilisée en thérapeutique diverse. Quelquefois, du vin était ajouté. De manière alternative, les petits graines de l’achène étaient simplement mangées, une méthode souvent sommaire offertes aux catégories sociales plus défavorisées.
Découvertes récentes sur l'histoire du cannabis en Chine.
Bien que beaucoup de mystères persistent encore quant à l'histoire du cannabis en Chine et, plus largement en Asie, des découvertes récentes permettent d'en savoir davantage sur son utilisation dans l'antiquité et les millénaires précédents.
S’il est de plus en plus admis que le chanvre est originaire du continent asiatique, il est encore incertain qu'il l'ait été uniquement pour ses propriétés psychotropes. La question que se posent beaucoup de spécialistes et d'historiens est donc la suivante : à partir de quand les hommes se sont mis à exploiter ses propriétés naturelles si singulières ?
Une étude récente menée dans les montagnes du Pamir, dans l'ouest de la Chine par une équipe d'archéologues est récemment venue apporter quelques réponses à cette grande inconnue. Une équipe est parvenue à mettre au jour des tombes vieilles de 2500 ans contenant, parmi une multitude d'objets, ils sont arrivés à trouver d'intrigants petits pots de bois.
Soupçonnant une utilisation rituelle, l'archéologue et botaniste Robert Spengler, choisit d'envoyer ces pots au laboratoire. À leur grande surprise, les chercheurs découvrent que ces brûleurs renferment du cannabis, et même un cannabinoïde très spécifique : le CBN ou cannabinol. Ce dernier est obtenu après l'exposition de la plante à une forte chaleur (+70°) et sa structure moléculaire est proche du CBD et du THC et possède donc des propriétés psychoactives. Ainsi, les scientifiques ont pu conclure que les humains avaient conscience de ces propriétés et devaient les utiliser déjà dès cette époque à des fins rituelles pour être absorbées de manière collective.
Il est donc probable que les humains possédaient ayant lieu lors des cérémonies mortuaires, destinées peut-être à communiquer avec les morts. Selon les spécialistes, il s'agirait ainsi de la plus ancienne preuve de l'utilisation de cannabis à des fins psychoactives et euphorisante sans toutefois que ceci soit une certitude.
Ces découvertes récentes laissent penser que les origines plus anciennes pourraient avoir émergé du nord-ouest de la Chine, et non du Sud de l'Asie. Effectivement, les précédentes hypothèses sur l'origine de l'utilisation du cannabis en Asie privilégient cette dernière hypothèse, comme communément admise.
En conclusion, l'histoire du cannabis et celle de la Chine se confondent. C'est dans ce vaste pays que l'on aurait vu naître les usages aussi bien récréatifs que les premières indications médicales autour de la plante de chanvre. Des recherches plus approfondies permettront peut-être un jour d'en savoir davantage sur les origines des usages du chanvre, les rituels associés et percer les mystères autour du cannabis.

Références :
Li, Hui-Lin. “An Archaeological and Historical Account of Cannabis in China.” Economic Botany, vol. 28, no. 4, 1974, pp. 437–48. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/4253540. Accessed 28 Jul. 2022.
https://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/shen_nong.htm
https://edition.cnn.com/2021/07/16/asia/cannabis-study-china-origins-intl-hnk-scn/index.html
Touw M. The religious and medicinal uses of Cannabis in China, India and Tibet. J Psychoactive Drugs. 1981 Jan-Mar;13(1):23-34. doi: 10.1080/02791072.1981.10471447. PMID: 7024492.