Pourquoi le THC est-il limité à 0,3% dans les produits CBD?
Un sujet épineux que celui de la teneur en THC dans les produits CBD aujourd’hui en vente libre. Mais pourquoi ce seuil actuel ?
Si le CBD est de plus en plus considéré comme un bien de consommation quotidienne, le sujet des concentrations en cannabinoïdes pour l’ensemble des produits demeure encore complexe, voire cryptique pour le commun des mortels. Mais pourquoi la mention de 0,3% de tétrahydrocannabinol (THC) figure-t-elle partout sur les produits et les catalogues de CBD ? Faisons donc un petit détour à la croisée des chemins de la technique, la botanique, l’histoire et le droit.
Mais de quoi s’agit-il?
Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler quelques bases. Les fameux « 0,3% » signifient simplement la teneur maximale que peut contenir un produit fini à base de cannabidiol.
C’est un ratio ! Il exprime la quantité (en masse) de substance active rapporté à la quantité totale du produit (la masse totale). Attention, quand nous parlons de masse, c’est bien de masse dite « sèche ».
Ainsi, sur un produit CBD de 100g respectant le seuil légal des 0,3% de THC, on retrouvera 0,3g de THC dans l’ensemble du produit.
De récentes (et nombreuses !) évolutions règlementaires
En France, le seuil légal maximum de THC s’est longtemps maintenu à celui de 0,2%. En effet, le régime juridique qui a longtemps prévalu en France est directement issu du code de la santé publique relative aux « préparation et substance vénéneuses ».Ce code, ultra-restrictif dans son interprétation, ne tolérait donc qu’une exploitation de la plante de cannabis (plante et produits) qu’à des fins très rigoureusement sélective.
C’est finalement par arrêté ministériel daté du 22 Août 1990, s’ajoutant lui-même au code existant que sera véritablement fixée la limite maximale des 0,2% de taux de THC. Réduit au niveau de trace, cette approche était destinée à limiter son usage pour l’agriculture et la production de matériaux ou encore de fibres.
Cependant les choses ont beaucoup changé au cours de ces toutes dernières années. Non seulement des changements se sont produits, voire accélérés, tant à l’échelle nationale que sur le plan européen et continental.
Au niveau Européen, c’est d’abord la nouvelle loi Européenne lié à la Politique Agricole Commune (PAC) adoptée par le parlement le 2 novembre 2021 qui a permis de relever le taux de THC légal dans les cultures de chanvre de 0,2% à 0,3%. Validé quelques jours plus tard, le 24 novembre il est ensuite rentré en vigueur dès cette année dans toute l’Europe.
Les agriculteurs de l’UE sont désormais libres de cultiver de nouvelles espèces s’inscrivant dans la limite de ce seuil maximal. En revanche ces derniers se doivent de respecter un cahier des charges très strict, notamment de ne pas pouvoir pratiquer le bouturage ou encore de respecter l’obligation de conclure des contrats commerciaux en amont de toute production .
En France, la situation est un peu différente puisqu’après plusieurs années de flou juridique autour du CBD, le cadre ciblant les niveaux de THC est progressivement en train de se clarifier. C’est en ce sens qu’un premier arrêté paru fin 2021 à l’issu de près de 8 mois de concertation, proposant entre-autre un nouveau relèvement des taux à 0,3% de THC.
Partiellement suspendu par le conseil d’Etat fin 2022, notamment sur le projet d'interdiction de vente de fleurs, il confirme désormais le rehaussement de 0,2% à 0,3%, seuil en vigueur aujourd'hui dans le pays.
Vers un seuil harmonisé à l’échelle Européenne ?
Ce seuil élargit ainsi à toute l’Europe la possibilité de cultiver de nombreuses espèces d’un catalogue, lui-même développé notamment parmi les espèces suivantes :
Aujourd’hui, ce sont près de 151 espèces inscrites sous la dénomination des espèces Cannabis Sativa L. dans le calendrier Européen et identifiée via l’Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV). ) disponible en consultation libre.
Ces espèces répondent donc aux exigences Européennes et s’inscrivent donc sous le plafond limite des 0,3% de THC.
Si la culture est aujourd’hui majoritairement tournée vers l’exploitation des fibres et des graines, les variétés de cette liste ne sont pas forcément adaptée à l’utilisation de leurs principes actifs (à commencer par leurs cannabinoïdes) et des rendements intéressants sur ces derniers.
En effet, les taux de CBD et THC (exprimés en masse de produit) sont liés puisqu’en augmentant la concentration de l’un, l’autre augmente également. Avec environ 2% de THC on peut obtenir un taux maximum d’environ 6% de CBD. Un réhaussement à 0,3% équivaut à un plafond en CBD d’environ 9 à 10%. Autrement dit, des taux plus élevés favorisent le développement de produits plus forts et plus efficaces.

Les inconvénients d’un seuil réduit
Néanmoins, si ce rehaussement de la limite des taux est bien accueilli, il reste encore largement inférieur aux normes en vigueur dans de nombreux autres pays. En Italie par exemple, ce taux se situe aux environs de 0,6% tandis qu’il s’établit à 1% en République Tchèque.
Les avis sont certes très partagés sur la question mais de nombreuses études scientifiques disponibles à ce jour indiquent qu’un relèvement supplémentaire ne présenterait pas nécessairement de risques pour les usagers ainsi que pour la sécurité des consommateurs, par exemple pour ses applications thérapeutiques.
Le Syndicat Professionnel du Chanvre lui-même préconise dans son Livre Blanc (lient, une élévation de la teneur en THC. Avec ce nouveau seuil, le catalogue pourrait évoluer de six douzaines à environ 300-500 souches différentes ». Une telle décision permettrait de favoriser également de nouvelles expérimentations variétales et agricoles.
Pour finir, en 2021, un rapport porté par le député Robin Reda (Renaissance) préconisait de définir un encadrement autour de seuils pertinents situés entre 0,6 et 1% de THC avec un taux dérogatoire pour les territoires ultramarins situés dans les latitudes chaudes.
Pour conclure...
Nous l’aurons compris, l’actuel seuil des 0,3% est issu d’un long héritage d’orientations juridiques autour d’applications très restreintes du chanvre, dans un contexte politique très hostile à son usage (la prohibition du cannabis).
Malgré cet héritage, de nombreux signaux semblent indiquer que cette règlementation très restrictive évolue vers une harmonisation et une plus grande ouverture pour répondre aux enjeux actuels en matière agricole, scientifique et de santé publique. Ce qui laisserait entrevoir de nombreuses nouvelles possibilités autour de cette plante ancestrale.